Laurent Marie : « des apnées dingues »

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L’apnée dans des conditions extrêmes, Laurent Marie connaît bien. Le pompier brestois, passionné d’apnée, a créé l’association L’Âme bleue en 2012. Et a vécu plusieurs expéditions dans les eaux de l’Antarctique et de l’Arctique, à la découverte du monde des glaces, de sa faune et des sensations de l’extrême.

Après l’Antarctique en 2013 et en 2014, Laurent Marie a passé un mois cet été dans le Nunavut en Arctique, avec l’explorateur Eric Brossier. Avec des images et des impressions à partager !

Interview Laurent Marie - entre les glaces

« On fait corps avec la vie »

Est-ce que l’on vit la nature différemment quand on pratique l’apnée ?

Laurent Marie : Oui, on vit différemment, c’est exactement cela. On fait corps avec l’élément, avec la mer, avec l’océan.
On fait aussi corps avec la vie, avec la faune et la flore.
Cette sensation, je l’ai vécue quand j’ai plongé en Antarctique : il faut savoir qu’un traité signé en 1961 en a fait une terre de paix pour l’humanité. C’est pourquoi on y rencontre des animaux qui ne connaissent pas l’homme, ils sont curieux, viennent vous voir.
Est-on un prédateur ? Est-on une proie ? Et quand on n’est rien d’autre, on joue, tout simplement. C’est ce qui s’est passé avec les baleines à bosse.

Interview Laurent Marie - rencontre avec une baleine

Dans dans ces modes de communication avec le monde animal que l’apnée est particulièrement intéressante. On est d’égal à égal, même si on est beaucoup moins forts qu’eux.
La plongée en bouteille fait du bruit et des bulles. Un exemple avec le phoque léopard, en Antarctique : quand il est agacé, il vient cracher des bulles au visage.
Les bulles d’une plongée en bouteille peuvent donc être perçues comme un signe d’agressivité par certains animaux. En apnée, on s’immerge discrètement dans l’eau.
Et ce qui me plaît beaucoup, c’est que la profondeur à laquelle on va, est déterminée par nos capacités physiques.

C’est aussi un défi collectif, parce qu’il faut veiller avec son équipe les uns sur les autres. On n’est bien dans l’océan qu’avec une bonne sécurité, avec ses collègues, en fonctionnant en toute confiance.

Est-ce que vous pouvez nous décrire la sensation d’une plongée dans un environnement de falaises de glace ?

L.M. : C’est complètement dingue. Pour moi, c’est un plongeon dans un rêve de jeunesse.
Je me suis toujours demandé ce qui pouvait se cacher sous un iceberg, derrière les 9/10e immergés. C’est l’inconnu, le mystère.
Quand on descend le long de la glace, c’est sculpté de milliers de facettes. Au toucher, c’est très doux même à travers le gant. On se sent comme happé. Et quand on arrive en flottabilité négative, on arrive à des apnées complètement dingues sur le plan émotionnel.

On est dans un univers fou. Cela demande un effort physique intense mais quand on remonte à la surface. Dans une cuvette de l’iceberg, on se croirait dans un lagon. L’eau peut être douce et l’iceberg au-dessus de nous fait 20 à 30 mètres de haut. On est dans la mer, mais on se sent en haute montagne. Et là, on croise un phoque léopard… C’est complètement bouleversant.

Interview Laurent Marie - rencontre avec un phoque

Quelles sont les difficultés d’une plongée dans un environnement comme l’Arctique ?

L.M. : C’est le froid bien sûr. Le froid réduit les capacités :  on est plus contracté et on consomme plus d’oxygène. Il faut être capable, à partir du moment où on a froid, de l’accepter et d’en faire abstraction. C’est plus facile dans une dynamique d’action.
C’est là où la dimension mentale rentre en jeu. Et aussi l’endurance : l’entraînement permet de faire plusieurs immersions par jour, qui vont durer d’une heure à quatre heures.

« Se connaître dans la difficulté »

Quels sont votre préparation et votre entrainement au quotidien ?

L.M. : L’apnée bien sûr et le triathlon. Par exemple l’année dernière j’ai fait un « ironman »*, donc une épreuve longue pour avoir de l’endurance physique. Et aussi pour me tester mentalement sur quelque chose de long et difficile.

C’est aussi ça qui est intéressant : se connaître dans la difficulté. Quand on est en expédition, mieux se connaître permet de mieux réagir face aux difficultés.

Vous n’aimez plonger qu’en Arctique et en Antarctique ?

L.M. : J’étais en mai dernier à la Réunion, avec le réalisateur d’ »Un monde de glace ».
J’aime aussi les eaux chaudes mais… ce n’est pas pareil. Peut-être que mes envies évolueront, mais un voyage en Antarctique, pour moi, c’est comme un voyage sur la Lune.
C’est très beau, ça vit, ça craque, ça bouge, ça reflète le spectre lumineux avec des nuances de bleu, de violet, de vert…

C’est cela que j’ai vraiment envie de partager. On pourrait garder nos images égoïstement mais il faut que cela soit vu par tous, et surtout par des enfants. C’est l’avenir bien sûr, et nous voulons leur montrer cette beauté. On leur parle de réchauffement climatique, mais avant cela, il faut leur montrer la beauté des choses et pourquoi il faut préserver ces environnements.

En savoir plus sur l’association « L’Âme bleue »

* Ironman : c’est le nom du triathlon long format, qui regroupe une course de 3,8 km de natation, de 180,2 km de cyclisme puis un marathon (42,195 km).

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